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Jeunes sportifs et mort subite : le mythe du dépistage

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Le match de foot est bien engagé, la course cycliste ou le jogging va bientôt s’achever quand, tout à coup, un jeune s’effondre.

mort subite sportifIl vient d’être victime d’une défaillance cardiaque, qui a provoqué sa mort.
Régulièrement, de tels drames font l’actualité. 
Tout aussi régulièrement, ces morts subites de jeunes sportifs sont propices à une polémique se résumant ainsi : en l’absence de tout symptôme préalable, un dépistage médical systématique n’aurait-il pas pu empêcher ce décès? La réponse est loin d’être aussi simple qu’on pourrait l’imaginer.

 En 2013, malgré un certain nombre de réserves, le Conseil Supérieur de la Santé avait estimé qu’il y avait un sens à proposer un dépistage cardiaque systématique chez tous les jeunes sportifs.

« Le CSS estime également que les preuves scientifiques pour un dépistage systématique de tous les jeunes qui veulent pratiquer un sport de loisirs ou de compétition ne sont pas suffisamment univoques ; l’avis du CSS est néanmoins favorable mais nuancé.(…) Ce dépistage serait répété tous les deux ans et comprendrait, pour la tranche d’âge des 14-34 ans, un ECG à 12 dérivations tous les quatre ans. »

Pourtant, dans leur rapport paru en 2015, les experts du KCE (Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé), ont privilégié une autre position. Selon eux, aucune donnée scientifique fiable ne démontre qu’un tel dépistage systématique éviterait les morts subites des jeunes sportifs (de 14 à 34 ans). En revanche, il entrainerait un certain nombre d’effets négatifs…

Bon à savoir : outre les problèmes cardiaques, les principales causes de mort subite lors d’une activité sportive sont les « coups de chaleur » ou l’emploi de produits stimulants (dopage).

Mort subite du sportif: des causes multiples…

Plus d’une quarantaine d’affections cardiaques peuvent être la cause d’une mort subite.

Souvent, ces affections n’ont été précédées d’aucun symptôme avant-coureur et elles n’ont pas empêché de mener une vie « normale ».

On estime que tous les ans, en Belgique, de 3 à 10 jeunes meurent en raison d’un accident cardiaque survenu au cours d’une activité sportive ou d’une compétition.
Ce chiffre est cependant à mettre en perspective : environ un million de jeunes (entre 14 et 34 ans) pratiquent un sport. Comparativement à ce nombre d’adeptes, le risque de mort subite due à une anomalie cardiaque est donc très faible.
En outre, il faut souligner les bienfaits de la pratique régulière d’une activité physique. Elle aide à maintenir un bon poids, réduit le risque de maladies cardiovasculaires et de faire certains cancers, contribue à une bonne gestion du stress et à la qualité du sommeil, etc.

Bon à savoir : en Italie, depuis de nombreuses années, un dépistage cardiologique préventif est obligatoire pour tous les jeunes sportifs. Pourtant, leur taux de décès de mort subite reste identique à celui des autres pays.

Les incertitudes du dépistage

Le dépistage consiste à faire passer aux jeunes sportifs les examens classiques de recherche d’une maladie cardiaque : le médecin interroge le jeune sur d’éventuels antécédents personnels ou familiaux de problèmes cardiaques, puis l’ausculte avant d’effectuer un électrocardiogramme (ECG) au repos.

Selon le KCE, imposer ces examens de dépistage au million de jeunes sportifs belges concernés représenterait une somme annuelle de 60 millions d’euros (et environ 40 millions de plus pour les examens complémentaires des personnes dépistées à risque).

Pourquoi les experts du KCE ne recommandent-ils pas de dépistage cardiaque systématique chez tous les jeunes sportifs qui s’inscrivent dans un club ou pour une compétition ?
En fait, ils estiment que les examens actuels ne sont pas assez fiables pour détecter avec certitude les anomalies cardiaques ou pour permettre d’affirmer qu’il n’en existe pas.
Ainsi, par exemple, certaines affections génétiques ne peuvent être décelées qu’en fin de puberté ou chez les jeunes adultes.

Au final, plusieurs raisons plaident en défaveur d’un dépistage cardiaque systématique. Voici les principales d’entre elles :

  • Les examens de base pratiqués pour poser le diagnostic ne mettent pas en évidence toutes les maladies cardiaques : un quart des porteurs d’anomalie sortent rassurés, à tort.
  • De 5 à 30 % des jeunes sportifs examinés recevront une fausse alerte. Des examens complémentaires – parfois non dénués de risques – doivent alors être menés. Ils permettent de rassurer une grande majorité des jeunes qui avaient été inquiétés inutilement.
  • Il n’existe pas de certitude quant à la protection offerte par les traitements face aux conséquences de certaines pathologies cardiaques. Cependant, la personne se voit généralement proposer une thérapie (parfois à vie), non dénuée d’effets secondaires négatifs. De plus, de nombreux médecins imposent un arrêt total du sport. Dans ce cas, le jeune perd des contacts sociaux, et les bénéfices du sport sur sa santé.

Attention : tous les spécialistes insistent sur ce point : en cas de plainte ou de symptôme inhabituel pendant la pratique d’un sport, il faut faire appel sans tarder à un médecin.

Feu vert : sur les lieux des entraînements ou des compétitions sportives, la présence de défibrillateurs, et de personnes formées à les utiliser, permet de sauver des vies.

Photo © pressmaster – Fotolia.com

Mis à jour le 20/09/2021

Références
– Détection précoce d’affections cardiaques augmentant le risque de mort cardiaque subite chez les adolescents et jeunes adultes (janvier 2013) – Avis du Conseil Supérieur de la Santé n°8661.
Faut-il un dépistage cardiaque pour les jeunes sportifs ? KCE Reports 241B. 

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