On peut ne pas aimer son travail et avoir le sentiment de s’y embêter. Mais le phénomène du « bore out » dépasse largement ce cas de figure.
En effet, il désigne une situation spécifique : celle de travailleurs occupant un poste où les tâches à accomplir n’occupent qu’une minuscule portion du temps de travail presté. Ou même… rien du tout.
Ce phénomène serait loin d’être exceptionnel ou marginal.
En 2011, Bourion C. et Trébucqelon S. publient un article dans la « revue international de psychologie » et rapportent que « l’absorption organisationnelle et l’inactivité concernerait maintenant 30% des salariés ». Ils font notamment référence à une enquête menée en 2009 par Steptone sur 11.238 salariés européens lors de laquelle 32% des personnes interrogées reconnaissaient rester deux heures par jour (ou davantage) à ne rien faire.
Ces situations résultent de politiques d’embauches inadaptées ou qui ne répondent plus à des besoins actuels.
Elles peuvent aussi être la conséquence d’isolements « volontaires » de salariés (leur « placardisation ») dans des professions où le licenciement n’est pas possible (fonctionnaires).
Le nombre de salariés qui sont confrontés au bore out dépasserait largement celui des travailleurs en épuisement professionnel (burn out).
Une majorité de personnes emprisonnées dans l’ennui professionnel en souffrent, avec des conséquences sur leur santé physique et mentale.
Malades d’ennui
Le « bore out syndrom » – en français, on parle de syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui -, désigne l’ensemble des souffrances qui frappent les personnes touchées par l’inactivité au travail.
Au début, les troubles se traduisent généralement par de la démotivation, à laquelle s’ajoute parfois de l’anxiété et de la tristesse.
Un autre signe possible est paradoxalement une fatigue importante.
Bénéficier d’un contrat de travail et toucher un salaire sans rien faire entraîne parfois un fort sentiment de dévalorisation et une perte d’estime de soi.
Une étude britannique suggère que le bore out serait associé à une fréquence plus importante de comportements tels que la consommation de tabac et d’alcool. Au cours de cette même étude, les chercheurs ont relevé que les salariés qui s’ennuient au travail présenteraient un risque plus élevé d’accidents cardiovasculaires, mais cette constatation est fortement nuancée par le fait que ces personnes cumulaient plusieurs facteurs de risque, dont un niveau faible d’activités physiques.
Bon à savoir : vivre dans une société qui sacralise le travail aggrave probablement le jugement que les personnes en situation de bore out portent envers elles-mêmes.
Bore out: le grand silence
Souvent, les personnes concernées préfèrent ne pas en parler, par honte ou par culpabilité.
De toutes manières, avouer que l’on est payé à ne (presque) rien faire est loin d’être facile. Cette confidence risque de susciter peu de compassion, ou un manque de compréhension quand le seul critère de jugement se limite au fait d’avoir la chance de posséder un emploi.
En pratique, le salarié opte fréquemment pour diverses stratégies.
Certaines vont de la minimisation de sa situation (et de ses souffrances) à la réduction du temps de présence. Il arrive aussi que la personne tente de « voler » le travail des autres, occupe son temps à aller sur internet, ou s’invente de nouvelles tâches. Fréquemment, elle traine démesurément sur chaque activité afin de tenter de combler le vide de ses journées.
Feu orange : pour donner le change, certaines personnes en bore out adoptent des simulacres d’investissement professionnel et de suractivité.
Sortir de l’oisiveté
Contrairement au burn out, l’arrêt de travail n’est pas une solution contre le bore out.
En effet, l’absence conforterait un cercle vicieux et accentuerait le problème, puisqu’elle prive la personne de tout semblant d’activité professionnelle.
La première étape pour mettre fin à un bore out passe par le fait de prendre clairement conscience de la situation et de l’admettre, ce qui n’est pas si simple. Seule cette acceptation permet au salarié concerné de prendre un nécessaire recul.
Différentes mesures ou stratégies peuvent ensuite émerger. Si la personne ne craint pas un licenciement en évoquant un tel sujet, pourquoi ne pas engager un dialogue avec sa hiérarchie et/ou le service des ressources humaines ? L’objectif est évidemment de faire évoluer les choses, en restituant au salarié des missions en adéquation avec ses compétences.
Dans certains cas, un changement de poste s’avère possible – et plus encore si la personne en bore out a préparé ce type de modifications, y compris en acquérant au préalable les compétences nécessaires, montrant ainsi sa motivation.
Enfin, parfois, il faut se résoudre à envisager de postuler ailleurs, et/ou s’y préparer.
Bon à savoir : ne dramatisons pas, certaines personnes trouvent leur bonheur dans leur situation de bore out. Souvent, ces salariés ne considèrent pas le travail comme un moyen essentiel de réalisation personnelle.
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Mis à jour le 20/07/2021
Références
Annie Britton & Martin Shipley. Bored to death. International Journal of Epidemiology. 2010; 39: 370–371.